1.24.2011

I N T E R V I E W avec Jean Baptiste Eyraud


Charpentier de profession, plus militant français pour les mal logés. Porte parole de l'association Droit Au Logement (DAL) dés sa création en octobre 1990. Jean Baptiste Eyraud décide de quitter le Comité des Mal-Logés avec comme slogan "Un toit, c'est un droit". Il est également professeur à l'école d'architecture de Paris La Villette dans le cadre du droit de l'urbanisme.

le 21 janvier 2011 dans les locaux du DAL au 24, rue de la banque 7500 Paris.


Nous débutons notre interview en discutant de l'actualité. Le jeudi 20 janvier au soir, les militants du DAL se sont réunis devant le Sénat pour protester contre la loi LOPPSI 2 (Loi d'Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure).

"Elle a été adopté hier au sénat en deuxième lecture. Pour les derniers calages, il y a encore une commission mixte paritaire qui va réunir 7 sénateurs et 7 députés mercredi prochain. Après, la loi sera adoptée de manière formelle le 8 févier par les deux assemblés. A partir de là, il y aura sans doute une saisie du conseil constitutionnel, ça dépendra de l'opposition mais on suppose que le parti socialiste va saisir car il n'y a qu'eux qui peuvent le faire. Une fois que le conseil constitutionnel aura donné son avis, c'est quinze ou trois semaines. En tout cas, courant mars la loi sera applicable."



> C'est rapide tout de même ?

Oui, c'est là, c'est incessamment sous peu. Ca fait longtemps que c'est dans les tuyaux.....

> A priori, à cause de la loi LOPPSI il serait difficile d'installer notre projet dans la rue et de rendre possible notre intervention. Qu'en pensez vous ?

"Maintenant, de plus en plus l'espace public va être contrôler, encadrer, quadriller. Ceci étant l'article ne concerne que les habitations. Pour autant, si vous posez un objet dans la rue, il y a des contraventions qui vont tomber. Après si il y a du monde.. A Paris, ils ne laissent plus faire des manifestations non déclarées. Vous, vous serez dépendants et obligés de passer par la préfecture de police et la mairie de l'arrondissement."

> Cela a toujours été comme ca ?

"En théorie oui, c'est une loi qui date de 1930 ou 1929... Après la tentative de prise de l'assemblée nationale par l'extrême droite. On a des lois qui sont prévues pour lutter contre des tentatives de coup d'état qui s'appliquent désormais de façon paradoxales mais c'est comme ca... On ne peut plus faire un pas sans qu'il soit nécessaire d'exhiber une autorisation préfectorale à Paris. Il y a un durcissement depuis deux ans. Nous, avant, on faisait des actions surprises mais maintenant ..."

> Depuis deux ans, pour quelles raisons ?

"Depuis la prise en main du pouvoir Sarkozy."

> Avant, vous aviez la possibilité de faire des actions surprises ?

"Oui, depuis 20 ans. Mais là depuis 2007, il y a un durcissement. En vérité, ils ont commencé à nous harceler sur ces questions de manifestations non déclarées fin 2008."

> Quelles sont les conséquences de ce que vous annoncez. Est ce que cela annihile vos actions ?

"Nous procédons à des interpellations, des contrôles d'identités. Ils procèdent (la préfecture de police, ndlr) à des procès verbaux. En général, je vais au commissariat."

> Cela empêche les actions du DAL à fonctionner correctement ?

"Ah oui, ils nous font chier tout le temps! Ils faut toujours leur demander l'autorisation avant de faire quelque chose mais on ne le fait pas systématiquement selon la nature des actions que l'on mène. Il y a des autorisations où l'on peut demander des autorisations et d'autres où on ne peut pas. Mais pour l'instant, il n'y a jamais eu de poursuite. Je pense que cela se fera après 2012. Je suppose, mais maintenant ils peuvent toujours décider, politiquement, de dresser des poursuites à une dizaine de personnes qui manifestent devant un bâtiment."

> Ces actions non déclarées sont elles les plus efficaces ?

"Non, pas toujours, ca dépend mais c'est très variable. On passe notre temps à envoyer des fax, on a trouvé des modalités.

(tout à coup Jean Basptiste Eyrault se souci de notre démarche, ndlr)

En même temps, pour vous, vous devez déposer trois jours avant l'évènement,  une demande mais ils sont toujours en droit de refuser (la préfecture de police, ndlr). Ce qui va les gêner, ce n'est pas que vous déposiez des objets mais c'est la manifestation qu'il va y avoir autour.  
Nous, lorsque l'on a fait le  rassemblement devant le Sénat, nous avions négocier jusqu'à 00h et ils ont autorisé jusqu'à 21h30 ! On n'a pas cherché à aller au delà. Si il y avait eu une réelle volonté de poursuivre, on nous aurait surement fait évacuer... après des sommations, etc... Légalement, ils ont le droit d'interdire mais il aurait fallu qu'ils le signifient. Pour le signifier, il aurait fallu qu'ils fassent des sommations d'usages, etc.. Il y a quand même des procédures qui encadrent l'intervention de police mais elles sont rarement respectées."

> Quels arguments faut il avoir pour convaincre la préfecture de police de manifester?

"C'est la question des libertés de manifester. C'est ce que je mets toujours en avant. Quand je suis convoqué au commissariat et que je m'y rends, je mets ça en avant. Ma position est la suivante : on  manifeste depuis 20 ans, il y a eu un changement de doctrine à l'égard des actions que nous menons. A ce moment là, c'est une atteinte à la liberté de circuler. Je rajoute que le texte auquel ils se référent, c'était un texte crée pour les tentatives de coup d'état, de push. Après, ils n'ont jamais franchi le pas de nous trainer en correctionnelle. "

> Qu'est ce que vous risquez en cas de condamnation?

"En tant que responsable, je risque six mois ou un an de prison ainsi qu'une amende conséquente mais ca se joue ! En tout cas, ca en vaut la peine ... Même si on perd en première instance, on peut faire appel. Une fois, après une poursuite, on a gagné. On avait poser des tentes sur la chaussée. Fin 2008, le tribunal de police nous avait condamné à 12000 euros d'amende. la magistrate était connu comme militante d'extrême droite. Dans les tribunaux de la préfecture, ils recrutent même des anciens policiers à la retraite ou là en l'occurrence c'était un professeur de droit à Assas. Elle nous avait expliqué qu'elle mettait volontairement le maximum. En appel, le juge nous avait relaxé avec restitution des tentes, etc... Au niveau judiciaire, il y a des choses à jouer ! Mais, attention, il faut avoir une bonne audience car sinon, seul, on se fait saucissonner. On a un soutient médiatique ainsi que de plusieurs personnalités."

> Quelle est votre audience? Ce sont des personnalités politiques ? Quelles sont les personnes qui ont du poids face à un avis de la justice ?

"On ne travaille pas avec les politiques. A l'époque il y avait Albert Jacquard, Guy Bedos, Josiane Balasko (mais aussi Labbé Pierre, ndlr). Nous, on a toujours souhaité être indépendant des organismes politiques. En 20 ans, eux mêmes sont distants. Il faut voir l'expérience de jeudi noir, pour voir comment ca évolue mais c'es plus frais. Ils sont aussi militants. Ce n'est pas la même approche que nous. Nous sommes une action plus syndicale."

> Pour revenir sur LOPPSI, il y a eu des précédents ? Est ce que cette loi est un tournant dans l'histoire de la répression ?

"La LOPPSI 2 prévoit beaucoup plus d'articles, 150 en tout, qui sont répressifs. Cela va du renforcement de la vidéo surveillance jusqu'aux logiciels de reconnaissances et identifications automatiques. Cela ouvre des perspectives de contrôle très fort pour les gens lambda. On peut être suivi de caméras en caméras. On va être suivi jusqu'à la porte de chez soi car il y aura bientôt des caméras dans les parties communes. Ils pourront poser des mouchards dans les ordinateurs. Cela pose des problèmes notamment pour les journalistes. Fichage, renforcement de la surveillance, interconnexion des fichiers, etc. puis, comme les fichiers sont merdiques ils vont continuer. Ca ne sera pas forcement fiables mais on n'a pas envie qu'ils aient ce type d'informations. On m'a déjà demandé combien j'ai d'enfants, quels sont les diplômes que j'ai obtenu, etc. Mais je les ai bloqué car ca ne les regarde pas. Ca commence à l'école maternelle avec un carnet de scolarité très complets qui va aller de classes en classes avec une version électronique. Pour le services sociaux, il y a un onglet de délation. Bientôt notre génome sera codé. Mais, l'avenir peut nous réserver des surprises. C'est pour cela que l'on se bat. Je ne gagnerai peut être pas de mon vivant.

Ah oui, ils veulent organiser des milices qui peuvent se monter jusqu'à deux cent mille personnes. Il y aura des retraités de la police, de la gendarmerie et des volontaires. Pendant que Ben Ali se fait botter le cu, l'autre, il nous installe le même système ici."

> Sur vos actions publiques, LOPPSI va t elle contraindre vos actions?

"Pour les gens en situation précaire oui, nous on s'adapte. Si les gens bougent, qu'il y a un petit de medias.. Avant on faisait beaucoup d'actions non déclarées maintenant on se prépare plus, il y a du pour et du contre. Tout n'est pas négatif compte tenu de l'objectif que nous poursuivons de loger des mal-logés."

> Voyez vous des traits positifs dans LOPPSI ?

"C'est une loi répressive et je suis contre la répression, à tout ce qui touche à la liberté. Nos 200 000 occupants d'habitats précaires, de fortune, hors normes, non conformes aux codes de l'urbanisme et autres sont visés. Ils vont encaisser. On a eu beau développer tous les arguments, ca n'a rien donné. Le ministre du logement n'a pas voulu s'exprimer alors ils vont avoir la possibilité de virer les gens comme ca, sur décision du préfet y compris sur des propriétés et terrains privées. Et, ça, c'est grave. Mais le préfet n'est pas obligé de donner raison, c'est lui qui décide.
Mais c'est pour les habitants qu'on se bat ! Il y a des habitants qui ont choisi des modes de vie simples. Le texte est suffisamment flou pour s'impliquer largement.
Après, il y aura une bataille de jurisprudence. Nous on attend 2012 pour demander l'abrogation. Sur la question de l'abrogation, il y a un débat parce que lorsque les socialistes sont revenus au pouvoir en 1997, ils avaient promis d'abroger une trentaine de lois et ils en ont abrogé que deux ou trois, pas plus. Ce n'est pas garantit. Ca ne pourra marcher que si il y a une pression populaire, massive. Et donc, comme sur la mobilisation n'a pas été très importante, ca n'a pas été relayé ; mais on ne désespère pas. Si les gens savaient, ils se seraient plus investis. Maintenant, on va se concentrer sur les pétitions. Les réseaux militants relaient mais pas depuis longtemps. La loi est en discussion depuis plus de deux ans! Il faut que les grandes structures se mobilisent vraiment. C'est nous qui avons fait passer l'info alors que ce n'est pas notre boulot.

> A quoi est dû cette réaction tardive dans les médias?

"C'est à cause de la complexité du texte majoritairement. Puis, il n'y a pas eu de débats. Le parisien, Le figaro, tous les grands medias télé, créent des débats sur certains sujets et les lois tombent facilement. Ils servent d'amorceur aux lois.
Par exemple, sur la censure des sites internet, c'est la pédophilie. Personne n'est pour, évidemment. Mais on sait très bien de ce qui l'advient des mesures exceptionnelles. C'est le problème avec ces délits qui choquent tout le monde... Le fichage génétique a été mis en place, au départ, pour les délinquants sexuels récidivistes. Aujourd'hui, il suffit que je me fasse embarquer pour qu'on me fiche génétiquement. Donc, la censure internet devient une sorte de cheval de Troie. C'est la même chose pour l'expulsion, ca ne passe pas par le juge mais par la préfecture de police. C'est une décision administrative. De cette façon, on rentre dans un système autoritaire. C'est ça le 32terA. Mais la bataille n'est pas perdue ! La loi ne nous empêche pas de vivre. Déjà, il va falloir qu'ils l'appliquent et là encore ils vont avoir du mal. ca va engendre des polémiques, des débats. Et nous, on va continuer sur le fond. Il faut que ca s'étende que l'information circule. Il faut qu'il y ait une volonté des gens, des militants, des citoyens lambda qui se mobilisent et puis ca fera son chemin. Et puis, si il y a une alternance à 2012, on a espoir !"

> Est ce qu'il y a des moyens de détourner cette loi ?

Les français sont dévots.

> Est ce que les projets que l'on a réalisé peuvent porter un intérêt à votre combat ?

"Il faut voir avec d'autres associations qui sont concernés plus directement par le sujet. Cela dit, vos projets sont créatifs et intéressant à publier. Il faut apporter un peu plus de textes sur l'idée générale. Face au contrôle de l'urbain aujourd'hui il faut mettre en place des formes de résistances pour le collectif et l'individu. Ca c'est clair c'est contre la loi LOPPSI2 ! Des moyens de survis dans la rue sont aujourd'hui pénalisés, sanctionnés. Il faut élargir et développer l'espace public ! Pourquoi pas faire habiter certains toits ! C'est bien tout cela, c'est la vie collective !!!"

3 comments:

  1. Ces mouvements d'occupation sont monstrueux, dirigés par le gourou Jean-Baptiste Eyraud ...

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  3. Nous vivons l'occupation du square Boucicaut depuis début juillet. La magouille socialiste est flagrante: on ramène un maximum de femmes voilées, ainsi que leurs nombreux enfants (je rappelle que les colonies de vacances et ateliers sont GRATUITS, payes avec nos impôts locaux)

    Les français sont exclus du square Boucicaut, essayez de vous asseoir sur un banc si vous êtes français-blanc, et vous verrez. On vous chassera à coups de slogans: "solidarité avec les mal logés". Ca nous est arrivé hier soir, avec mon amie.

    En fait, ces gens sont exploités par les Socialistes, ils se servent d'eux pour entretenir la bataille entre Bertrand Delanoë et Rachida Dati (le square est situé sur le 7ème arrondissement)

    La France n'est pas extensible; non seulement ils viennent dans ce pays profiter de tout, mais ils critiquent ouvertement tout, et disent sans se cacher leur haine des français.
    C'est monstrueux, nous voulons que ça s'arrête et tout de suite.

    La france, c'est comme une femme, si on ne l'aime plus on la quitte !!

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